De la terre à la une

Le week-end de l’Ascension tombera probablement, une fois n’est pas coutume et sauf crime de lèse-majesté, en plein cœur du retour sur terre d’un dieu vivant après un hiatus de près de trois ans. Même si nombre de lecteurs s’en lavent probablement les mains, il faut rappeler qu’un certain J. H. Christ était le dernier à avoir fait le coup avant le début de l’ère Open, mais on raconte qu’il n’avait tenu que quarante jours entre sa résurrection et le terme définitif de sa carrière. En ce qui concerne Roger Federer, puisque c’est bien de lui qu’on parle, la première partie de son come-back sur le sable orange avait pour lieu Madrid, 1090 jours après sa dernière défaite sur ce revêtement dans une ville presque aussi éternelle que lui. Un chiffre quasiment aussi imposant que le nombre de défaites consécutives au premier tour empilées par Kiki Mladenovic entre 2017 et 2018 ou celui de citrons coupés par Xherdan Shaqiri sur le banc de Liverpool depuis le mois de janvier, c’est vous dire. Un peu plus et on atteignait le temps écoulé entre deux services de Rafael Nadal. Le point d’orgue de l’atterrissage du mari de l’idole des lectrices de L’Illustré est programmé pour la grand-messe parisienne du printemps, Roland-Garros. Carton-Rouge a naturellement saisi la balle au bond et s’apprête à envoyer à grands frais l’un de ses scribouillards en reportage sur le site d’un tournoi qui avait, jusqu’à très récemment, perdu l’habitude de casser des briques (pilées) au niveau du suspense. C’est donc ocre de plaisir que nous vous proposons une mise en bouche avant de partir fêter la fin d’un long chemin de croix pour les fidèles de la petite balle jaune, pour lesquels la terre promise est en vue.

Après avoir mis à l’amende deux évadés fiscaux et fort bien résisté au Dominator autrichien dans la capitale espagnole, Rodge s’offrait même des vacances romaines au cours desquelles, après avoir résisté à l’inflation du prix des billets, au dérèglement climatique et aux jets de chaises de Nick Kyrgios, le plus grand joueur de tous les temps se payait deux scalps en un jour avant d’aggraver les ulcères de Guy Forget (et de votre serviteur qui avait déjà pondu trois paragraphes à la gloire de l’égérie de la marque de montres du pauvre) en déclarant forfait droit derrière. Et pendant ce temps, ce cher Rafa n’avait rallié qu’une finale (réglée pas si Djokovite que ça finalement), à la dernière minute, sur sa surface favorite. Une conquête de Rome qui ne permettait pas (encore) à l’Empereur de la terre de franchir le Rubicon le séparant de sa forme optimale. Tout semblait donc réuni pour un pari(s) fou, 10 ans après la seule Coupe des Mousquetaires soulevée par le Fed’ Express. Oui, vous avez bien lu, Roland-Garros peut (enfin) être considéré comme un événement cette année. La sempiternelle et ô combien navrante promenade de santé du taurillon de Manacor sur son aire de pique-nique privée de la Porte d’Auteuil risque enfin, à défaut d’être réellement perturbée, d’être quelque peu éclipsée par la fascination suscitée par Roger Federer, l’homme qui joue à domicile dans tous les stades du monde, adversaire local et Coupe Davis à l’extérieur (salut Lille!) compris.

Une photo d’archives de 1932, date approximative de la dernière visite du dieu Roger à Paris.

Novak Djokovic, victime d’une nouvelle coupure de courant générale (même s’il a pu joindre le réparateur à Madrid), Fabio Fognini, qui tire la prise plus vite que son ombre, Dominic Thiem, peut-être enfin foudre de guerre, et Stefanos Tsitsipas, tout bonnement électrisant, pouvaient respirer à l’annonce du pèlerinage du Bâlois, générateur d’émotions devant l’Eternel, en terres parisiennes. En effet, ils ont ainsi pu recharger leurs batteries loin des projecteurs, tous braqués sur le Swiss Maestro cette année. Même l’électron libre Gaël Monfils se prenait à rêver de titre à voix haute. Sûrement un faux contact pour notre spécialiste du courant alternatif. On ne vous mentionnera Juan Martin Del Potro qu’au détour d’un passing shot car on a bien peur que l’Argentin, son grand corps malade et ses poignets en carton soient encore un peu justes pour réellement faire des étincelles cette année. Et pourtant Dieu Roger sait si on l’aime ce grand bonhomme. Quant à l’infortuné Stan Wawrinka dont le contenu des interviews suivant une énième défaite mortifiante est aussi facilement recyclable que les nouvelles bouteilles de son sponsor liquide, si la diversion créée par son chef de file ne lui avait pas encore permis de retrouver la lumière à l’heure où nous écrivions ces lignes, elle lui avait au moins accordé un répit dans son activisme en faveur de notre planète en salle de presse. Mais trève de considérations écologiques. Il est bientôt temps d’entamer notre glissade vers Paname qui abrite ce stade qui s’est plu à couronner certains des joueurs les plus improbables du monde du tennis et à se refuser à beaucoup de ses ténors avant l’avènement de la sangsue de Majorque (même s’il n’ira tout de même pas jusqu’à consacrer Grigor Dimitrov, on vous rassure). Un peu comme son voisin du Parc des Princes en 2019 en somme.

On espère que le retour du roi fera plus que chatouiller le maître des lieux.

Ah, on allait oublier ! Pour les activistes de la cause féministe qui nous lisent et qui sont déjà en train d’écrire le brouillon de leur commentaire incendiaire, mentionnons le tournoi féminin en deux mots : très ouvert. Blague à part, avec huit lauréates différentes en dix ans, ces dames peuvent se targuer de présenter un spectacle à l’incertitude un peu plus élevée qu’un bon vieux Federer-Gasquet des familles, contrairement à la chasse gardée de l’avorton des Baléares. Le plateau actuel des favorites au titre est à donner le tournis au plus fervent suiveur des 500 miles d’Indianapolis. Nommons-en quelques unes : Kiki Bertens, légèrement plus à l’aise avec la notion de victoire que celle qui partage son sobriquet en Hexagone (il paraît aussi que c’est moins ridicule en néerlandais). Simona Halep, sorte de fusion entre Nadal et Ferrer conjuguée au féminin roumain. Petra Kvitova, dont le bras gauche miraculé reste aussi imprévisible que Marcelo Bielsa en villégiature à Birmingham un dimanche après-midi. Naomi Osaka, dont la place de numéro 1 mondiale est aussi solide ces derniers temps que les bonnes résolutions de Benoît Paire face à un double cheeseburger. Marion Bartoli, … ah non. Finalement, plus près de chez nous, avec une Belinda Bencic à nouveau plus présente en salle de force que sur Instagram, le tennis helvétique ne peut que savourer l’été indien d’une génération dorée. Pour l’été tout court dans son sens le plus littéral, il faudra probablement patienter jusqu’en 2020 vu comme c’est parti. En attendant, peut-être que le printemps et son renouveau se décideront à pointer le bout de leur nez pendant la quinzaine parisienne. Histoire que l’ennemi ibérique numéro un se prenne les pieds dans les premiers bourgeons d’une nouvelle génération de propriétaires terriens et finisse face contre… terre. Battu. Et franchement, à voir son tableau digne des plus grandes heures des qualifications du Geneva Open, on en doute fort. A suivre la semaine prochaine en direct de Paris. D’ici là, que Saint Roger veille sur vous, chers lecteurs !

A propos Raphaël Iberg 188 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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2 Commentaires

    • Franchement, je me suis posé la même question en faisant ma liste… Comme l’abandon au 2e tour semble être son nouveau hobby, j’ai décidé de l’exclure faute d’infos.

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