Corey Perry, le vilain petit canard

From mighty to lame duck

Perdre 4 finales de Coupe Stanley, c’est pas mal. Les perdre avec 4 équipes différentes en l’espace de 5 ans, c’est du génie. Perdre la dernière en date au sein de l’escouade du meilleur joueur de l’univers (élu MVP malgré la défaite), ça tient de la performance hors-catégorie tous sports confondus. Corey Perry est-il le plus gros chat noir de l’histoire ? La question a déjà été posée 13131313 fois et CR n’a pas pour habitude de s’intéresser à des débats aussi stériles. Néanmoins, notre rubrique Born to lose ne pouvait pas manquer cette occasion de retracer la carrière de l’enfant terrible de New Liskeard en quelques épisodes marquants.

Désambiguïsation

Pour notre article sur Matthew Perry (aucun lien familial, tout au plus vaguement géographique), c’est par ici. Si c’est Fred Perry qui vous intéresse, allez plutôt par là-bas.

Foin de tennis ni de cinéma (enfin si, quand même un peu) dans cet article-ci, c’est bien du hockeyeur ontarien Corey Perry qu’il s’agit. Dans le plus pur style d’un essay d’anglais gymnasial, commençons avant toute chose par vous présenter notre thèse, aussi limpide que l’eau de la Seine après le passage d’un chalutier (ou d’un triathlon): Tout est la faute des Canadiens. Et plus précisément d’Edmonton (surtout), Toronto et Montréal (un peu). On vous explique ? Bon, mais c’est vous qui avez demandé, hein.

Pas (encore) de couac aux Mighty Ducks (2003-2007)

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Tout commence en Californie pour le jeune Corey. Drafté en 28ème position en 2003, notre rookie passe par les juniors, évolue ensuite pendant une saison sous les couleurs (vert-violet-blanc) des Mighty Ducks of Anaheim (la fameuse franchise créée par Disney dans le sillage des trois films éponymes*), puis poursuit sa carrière au sein des nouvellement renommés et visuellement redéfinis Anaheim Ducks (soyons un peu sérieux quand même, on est en 2006 maintenant). Notre nouvel ami est le dernier joueur encore actif dans la ligue à avoir porté le logo original du canard… qui revient presque tel quel la saison prochaine dans le cadre d’un énième rebranding du côté d’Orange County. Ah au fait, on vous avait dit qu’il jouait sur l’aile ? Y’a-t-il même d’autres positions disponibles chez les Ducks ?

*Ils sont dispos sur Disney+ et on vous les conseille si vous aimez les clichés épouvantables et/ou êtes nostalgiques de votre enfance dans les années 90.

1993-2006, l’enfance et l’adolescence de la franchise.

Lors de la saison 2003/2004, notre Canard pas encore assez Puissant pour jouer dans la grande ligue est presque envoyé à Edmonton avec 20 ans d’avance dans le cadre d’un échange alors qu’il joue encore avec les London Knights en Ontario Hockey League (OHL). Grâce au dénommé Mike Comrie (plus connu pour un mariage, un divorce et un enfant – pas dans cet ordre – avec Hilary Duff que pour sa carrière), natif d’Edmonton, qui refuse de rembourser son bonus de 2,5 millions de dollars pour être échangé, la transaction n’aura jamais lieu. Pas encore poissard, Corey sort vainqueur de la saison régulière et de la Memorial Cup la saison suivante avec les Knights. Il y bat un certain Sidney Crosby, proverbial tâcheron devant l’Eternel et pas assez connu pour qu’on écrive plus d’une ligne à son sujet dans ces colonnes. 

2006-2024, l’âge de raison (mais qu’est-ce que c’est que ce machin, un boomerang ?).

Le jeune Corey – qui n’a toujours pas perdu de plumes et ne s’est encore pris de bec avec personne – s’établit en NHL dès le mois d’octobre 2005 et trace sa route jusqu’en finale de Conférence Ouest contre… Edmonton. La connexion va finir par faire tache d’huile, si vous nous passez un calembour aussi inhabituel à propos des Oilers sur un site aussi sérieux que le nôtre.

Dès 2024/2025, le retour aux sources (mais pas aux couleurs originales) à l’heure de la pré-retraite.

En 2007, c’est déjà la consécration. Première (et seule à ce jour) Stanley Cup de l’histoire d’Anaheim. Mais pourquoi on écrit cet article au fait ? Un peu de patience, ça commence à mal tourner tout soudain. Bon, et un bémol s’impose quand même: les deux compères Corey Perry et Ryan Getzlaf n’avaient pas encore un immense impact sur l’équipe qui reposait plutôt sur Jean-Sébastien Giguère dans les cages, Teemu Selanne, les frères Scott (hin hin hin) et Rob Niedermayer ou encore Chris Pronger. À noter que le cerbère québécois Sébastien Caron avait joué un match de saison régulière cette année-là, et donc été suffisamment mauvais pour être immédiatement exilé à Fribourg. Ouch.

Let’s not beat around the bush, c’est clairement le début de la fin.

Scorey Perry (2008-2016) & The Worm (2016-2024)

Avant de commencer à se faire (très) mal, on mentionnera quand même encore les deux médailles d’or olympiques (Vancouver 2010, Sotchi 2014) et le titre mondial (Russie 2016) de Perry. Oui oui, notre ami fait bel et bien partie du fameux Triple Gold Club. Et il intégrera probablement le nettement moins fameux Quadruple Gold Club quand il rejoindra – en déambulateur –  les rangs du LHC pour la saison 2032/2033 qui se terminera sur un titre vaudois (probablement déjà le huitième sur les 25 prévus pour ce siècle).

Vous commencez à comprendre d’où vient le mauvais karma de la seconde partie de sa carrière ? Poutine passe encore, mais Fasel, really ??

Vous reprendrez bien quelques chiffres: 6 saisons à plus de 30 goals (dont une à 50), un Rocket Richard Trophy de meilleur buteur et un Hart Memorial Trophy de MVP de la saison régulière (2011), mais aussi 1709 minutes de pénalité en carrière et deux suspensions de 4 matches en 14 saisons passées en Californie. Oui, si Corey Perry était un méchant dans Batman, son rôle serait probablement joué par Tommy Lee Jones ou Aaron Eckhart.

Mais assez positivé, on est sur Carton-Rouge, pas dans L’Illustré. Fast forward jusqu’en 2016 et le début du déclin, doublé d’une opération du ménisque en 2018 suivie de 5 mois sur la touche, accélérateur de baisse de régime assez évident. Bref, une carrière qui commence à battre de l’aile. Notre ami Corky est finalement poussé hors du nid par Anaheim deux ans avant la fin de son contrat, direction les Dallas Stars. On aurait pu penser que passer d’un bail de 8 ans à 9 millions à 1 an à 1 million et demi était le deal du siècle pour les Stars… or was it ?

Le fait qu’il avait laissé 339 joueurs arriver à la marque des 1000 matches de NHL avant lui (mais quel gros nul) aurait dû leur mettre la puce à l’oreille. Et effectivement, quand il ne reste rien de Scorey Perry, The Worm doit prendre toute la place. Nous sommes le 1er janvier 2020, sa nouvelle équipe accueille le Winter Classic. Le tout récent numéro 10 texan cherche comment s’illustrer et trouve très rapidement: un coup de coude qui fait décoller Ryan Ellis (un joueur qui tourne) après 160 secondes, une suspension de 5 matches et 40’322,60 $ (c’est les 60 derniers cents qui ont fait le plus mal) d’amende à la clé. Un peu plus et on l’accuserait d’avoir concocté la pandémie qui a suivi à lui tout seul. Une bulle à… Edmonton plus tard, c’est le début de l’extraordinaire série du brave Corky: une défaite en 6 matches en finale face au Tampa Bay Lightning et un non renouvellement de contrat à la clé. Ben oui, il a même été bon en playoffs, ce qui a contribué à atteindre et donc perdre cette finale. CQFD. Les Stars actuels ont d’ailleurs eu la délicatesse de prendre l’habitude de se vautrer en finale de Conférence, déconvenue moins douloureuse, en son absence. Bon OK, la dernière fois c’était contre Edmonton et sa nouvelle acquisition. Un joueur ontarien un peu sanguin. Mais patience, on y arrive.

Allez, encore une ellipse, l’auteur de cette bafouille est un sacré fainéant. Nous sommes en décembre 2020, le natif du fameux district mondialement connu de Timiskaming signe avec Montréal pour 750’000 $. Grâce à la pandémie et une tentative de minimiser les voyages, le CH se sort facilement d’une North Division faiblissime composée uniquement de franchises canadiennes moribondes (dont, you know it, EDMONTON). Bonus: affronter Toronto au premier tour des playoffs (avec un coup de genou de Perry sur Tavares, commotionné, mais c’est un détail voyons…). Soulignons la persistance du gars à 35 ans bien sonnés: il se retrouve dans la taxi squad* au début de la saison. Comme rien n’est jamais normal quand Perry est dans le coin, Montréal se retrouve en finale de Conférence… Ouest, comme il se doit. Ne nous demandez pas comment c’est arrivé, faites vos propres recherches, c’était la mode pendant le covid. Une victoire sur Vegas à la surprise générale plus tard, on est parti pour une deuxième défaite consécutive face au Lightning en finale (on rappelle quand même qu’il n’y aura a priori plus jamais de possibilité pour deux clubs de l’Est géographique de s’affronter en finale, sacré Corey – enfin quoique, la variole du singe se rapproche).

*Taxi squad = groupe de joueurs du club ferme d’American Hockey League (AHL) qui voyage avec l’équipe de NHL et se tient prêt à jouer en cas de besoin, pour éviter de percer la bulle anti-covid en faisant des aller-retour entre les deux ligues.

Que faire pour sortir de cet engrenage infernal ? Facile, signer au Lightning ! Impossible de perdre cette fois ! Il obtient les 2 ans que Montréal lui refusait et 2 millions. Résultat des courses ? Il bat une poignée de records en atteignant (encore) la finale, mais on retiendra celui-ci: le premier joueur à perdre 3 finales consécutives avec 3 équipes différentes. Corey ne le sait pas encore, mais c’est sa dernière saison qui peut être qualifiée de productive pour ses standards: 40 points dont 19 goals en saison régulière et 11 points en 23 matches de playoffs. Perry sait quoi faire pour interrompre cette terrible série: finir son contrat de deux ans au sein de la même escouade, ce qui lui donne la garantie de ne pas améliorer son propre record, sans même atteindre la finale cette fois, histoire d’être bien sûr de ne pas merder. Beaucoup mieux en fait: une défaite au premier tour face aux… Maple Leafs, battus par Perry lors des deux saisons précédentes et qui n’avaient pas gagné une série de playoffs depuis 2004.

Il faut bien payer les factures des résidences secondaires…

Bien vu ! Sa valeur augmente d’un coup et il signe pour un an et 4 millions aux Chicago Blackhawks en mode pirates d’Astérix, puisque leur unique but depuis plusieurs saisons est de se saborder le plus rapidement possible, avec l’acquisition de Connor Bedard en numéro 1 de la draft à la clé l’été de l’engagement de Perry. Un mois après le début de la saison régulière, son contrat est cassé par son club pour cause de comportement inacceptable en violation des termes dudit deal. On ne saura jamais ce qui s’est vraiment passé malgré toutes les rumeurs émanant des coins sombres du net et affirmant que l’Ontarien aurait eu une liaison douteuse avec… la maman de notre ami Bedard susmentionné. La vérité est probablement moins drôle puisque le communiqué officiel du club mentionne un incident avec un(e) employé(e) – l’anglais est bien pratique pour neutraliser ce genre de terme – des Blackhawks. Sur ces entrefaites, Perry promet de commencer un traitement pour abus de substances. En même temps, comment ne pas le comprendre ? On aurait probablement commencé à boire bien avant la troisième défaite consécutive en finale et la signature d’une entente avec une franchise cherchant activement à perdre le plus de matches possible.

Deux mois plus tard, comme si de rien n’était, Perry est engagé par… les Oilers (oui oui, ceux d’EDMONTON) pour un an et 775’000 $ (yep, sa valeur en a pris un sale coup…). La suite, vous la connaissez. Quatrième défaite en finale en cinq ans aux mains des Florida Panthers. Pour rendre l’histoire encore plus dramatique, les Oilers se sont même payé le luxe de revenir de 0-3 à 3-3 dans la série avant d’échouer à devenir la première franchise à réussir l’exploit de remporter une finale sur pareil scénario depuis… Toronto en 1942 (c’est-à-dire pas si longtemps que ça avant le début de la carrière de Corky). Le fait que McJesus et Cie auraient été les membres de la première franchise canadienne à remporter la Coupe Stanley depuis 1993 en cas de victoire n’est que la cerise sur une sacrée pièce montée.

What now ? (2024-?)

Ce n’est pas pour défendre bec et ongles la trame narrative cyclique de cet article, mais on le verrait bien aller terminer sa carrière à Anaheim, histoire de prendre quelques ducklings sous son aile. La franchise de Disneyland signerait des deux pattes et de sa plus belle plume pour une première finale (même perdue) depuis 2007 et une première qualification pour les séries finales depuis 2018. On rigole, mais les Ducks n’ont plus jamais atteint les playoffs depuis le départ de Corey Perry et en tout et pour tout trois fois sans lui en 31 ans d’existence (1997, 1999, 2003). Notre héros écumait d’ailleurs encore les ligues junior lors de la finale… perdue de 2003.


Radko Gudas kiffe le nouveau maillot qui coïncide avec l’arrivée du fort décrié équipementier Fanatics, qui succède à Reebok et Adidas.

 

Crédits photographiques: 

Image de tête : Michael Miller/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Corey_Perry_Ducks_2012-02-15.JPG

Bush et les Ducks: Eric Draper/public domain/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Stanley_Cup_Ducks_and_Bush.jpg

Poutine, Perry et Fasel: Kremlin.ru/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:2016_IIHF_World_Championship._Final_match_(2016-05-22)-08.jpg

Sleeping Beauty Castle Disneyland Anaheim: Tuxyso/CC0/Wikimedia Commons/https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sleeping_Beauty_Castle_Disneyland_Anaheim_2013.jpg

A propos Raphaël Iberg 188 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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