Le jour où le football a perdu…

... et où j’ai demandé à devenir rédacteur à Carton-Rouge.ch

Des études ont montré que le cerveau ne fait pas de grande différence entre douleur physique et douleur psychologique. Le France-Belgique du 1er juillet dernier, 8e de finale de l’Euro allemand, fut douloureux physiquement et psychologiquement. Ce match fut l’un de ceux qu’on regarde pour tuer le temps en en attendant un autre. Pour tout dire, le spectacle proposé a été aussi convivial que les toilettes d’un train spécial de supporters parti de Genève approchant Lugano.

Lorsqu’on livre un match dans un Euro, c’est toujours pour être en meilleure position pour jouer un autre, jusqu’à la finale, jusqu’à la victoire, jusqu’à ce que l’on ramène la coupe à la maison. Or, dans cet Euro, Didier Deschamps, fossoyeur en chef du beau jeu, tout comme son homologue Gareth Southgate, un soir plus tôt, contre la Slovaquie, dans l’autre partie du tableau, ont tué le beautiful game et l’UEFA doit absolument revoir les règles de sa compétition : ce match ne méritait pas de vainqueur, juste deux équipes à envoyer en vacances le plus loin possible d’une pelouse bordée de tribune.

Il y a un dicton portugais qui dit : « Ele dobra o Cabo da Boa Esperança. » Traduction : « Il franchit le cap de Bonne-Espérance. » Et tu sais quoi ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela signifie que la personne en question a atteint le bout du chemin, qu’elle est complètement à bout de souffle et prête à faire ses adieux définitifs. Ce soir-là, la France, bien que victorieuse grâce à un nouveau but contre son camp a, nous l’avons tous espéré sincèrement pour la santé physique et psychologique des fans de foot du monde entier, franchit le cap de Bonne-Espérance et devait absolument être mise hors état de nuire par le Portugal, au tour suivant.

Je me suis alors justement mis à tenir les pouces aux Portugais, car nul besoin de vous rappeler que je supporte toujours deux équipes dans ces grands tournois : la Suisse, bien évidemment, et n’importe quelle équipe qui sort la France, comme tout bon Romand qui se respecte. Quoi qu’il en soit, rebelote une petite semaine plus tard. Douleur physique et douleur psychologique : match nullissime, voire pire, vous le savez déjà, et victoire de l’équipe à Dédé.

Au départ, ça promettait vraiment d’être beau. Roberto Martínez qui aligne une équipe résolument offensive, esthète jusqu’au bout des lèvres, poussant à tue-tête l’hymne national de son pays d’accueil (quel brave homme, s’extasient bouche bée les plus patriotes des nationalistes) et titularise, contre vents et marées, un Cristiano Ronaldo, plus employé de l’office du tourisme saoudien que Ballon d’Or, en bout de course, s’efforçant à tout prix de vouloir égaler l’immense Shaqiri au panthéon des joueurs européens ayant marqué dans tous les grands tournois depuis 2014. Un régal à venir. Finalement, voilà que ça convoque Rostand en catastrophe. « Que dites-vous ?… C’est inutile ?… Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! » Il y a eu tellement de moments difficiles que je ne pourrais même pas choisir lesquels ont été les pires. Dans la foulée, Tristiano Ronaldo, pleurant de ses plus chaudes larmes, franchissant lui aussi le Cap de Bonne-Espérance, roi de la tragédie, tire sa révérence sans marquer autre chose que les esprits de sa déchéance. La semaine a été trash pour les vieux : Biden deux soirs avant dans le débat face à Trump puis CR7 contre la molle Gaule. Un seul conseil, les papys faisant de la résistance : votre heure de gloire est passée, acceptez d’être trop vieux pour ce genre de conneries, les gars. La France a tué le football et se retrouve en demies.

C’est ce jour-là que j’ai demandé à devenir rédacteur à Carton-rouge.ch. Et ce fut totalement irrationnel.

Carton-rouge.ch, c’est une trame par match : le match en deux mots, l’homme du match, la saucisse du match, si le match était une bière, etc… Le football, ce soir-là, était passé de la Double Tempest (World’s Best Wood Aged Beer 2023) à la Bilz (la bière à nous de quand on pensait être des cracks parce qu’on avait le goût de la bière en bouche mais qu’on savait pas vraiment que c’était pas de la vraie bière). Parce que finalement, à ce qu’on nous dit, Bilz est unique et que rien n’égale Bilz. Alors qu’en vrai, Bilz n’a pas de goût et Bilz ne saoule pas, puisque Bilz est sans alcool. Bilz, c’est une promesse, juste une promesse et basta!

Je suis donc désormais officiellement rédacteur à Carton-Rouge. Vous avez lu ci-dessus mes certitudes. Ce que je recherche chez vous, les amis, c’est la contradiction. Moi, je ne vous épargnerai pas. Je veux que vous, vous me fassiez douter. Je veux réfléchir, remettre en question mes pensées les plus profondes, naviguer dans l’incertitude des mots et des idées. Le réconfort du désaccord, la passion de l’objection.

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