Paris 2024 : la French touch

Ah, ça ira, ça ira, ça ira...

Pas de trêve. Le sport über alles. L’Euro et Le Tour de France à peine finis, nous voilà immédiatement plongé dans la Seine marmite des Jeux Olympiques. Les « plus beaux Jeux Olympiques jamais organisés », annoncera Thomas Bach, escrimeur, avocat et Président du CIO lors de son discours de clôture du grand raoût quadriennal planétaire. Tous les hommes d’affaires ont besoin d’un boniment. Et pour les autres, « beati pauperes spirito », bienheureux les pauvres d’esprit. Alléluia !

Quoiqu’il en soit, déjà que pour moi, les Jeux Olympiques ont toujours été un symbole du foutage de gueule XXL, va falloir ramer ferme, mon cher Thomas, pour pouvoir le dire en regardant le peuple dans les yeux, au vu des débuts chaotiques de la manifestation. En toute transparence, j’essaie vraiment de voir le meilleur chez chacun. Mais bordel, certains ne me facilitent vraiment pas la tâche. Florilège.

Le village olympique

Belle idée que de loger toute la grande famille olympique au même endroit, pendant la durée des Jeux. Un beau village de tolérance et de bienveillance où chacun se sent accueilli, chez soi, entouré de la foule bigarrée de tous ces sportifs venus de partout. Une certaine idée de l’esprit olympique. 200’000 préservatifs masculins et 20’000 féminins distribués pour la durée des Jeux. L’amour, le bonheur.

À Paris 2024, c’est 2 personnes par chambre de 12 m2, sans climatisation, une salle de bain/toilette pour 4 personnes. Des lits en carton et des matelas en filet de pêche recyclé. « Mon dos est mort », a déclaré une athlète après sa première nuit au village. « Des lits anti-sexe », déclare un autre. Les handballeuses suédoises ont acheté de nouveaux matelas chez Ikea. Jamais aussi bien servi que par soi-même.

À Paris 2024, les repas, c’est à la cantine. Et à l’heure prévue, car gare à toi si tu arrives trop tard, athlète insouciant, tu te contenteras de ce qu’il reste. Ainsi, avant même l’arrivée de la totalité des délégations, le journal L’Equipe a signalé des plaintes concernant la quantité – si ce n’est la qualité – de la nourriture proposée par l’organisation. Pénurie de becquetance, rationnement de mangeaille pour satisfaire tout le monde. Et les Britanniques de planter un peu plus le clou en réclamant une amélioration « radicale », amélioration mort-née d’entrée pour eux puisqu’avant même l’obtention d’une réponse à leurs revendications, ils ont convoqué un chef anglais à la rescousse. Quand on sait que c’est la clémence de leur climat et la qualité de leur nourriture qui fait des Anglais les meilleurs marins du monde, on pouffe à l’évocation de la volonté de la gastronomie française de se porter à la hauteur de sa réputation « mondiale ». Disqualifiée avant même la première épreuve.

Résultat : aucun membre du CIO ne crèche au village olympique. La famille, c’est pas pour eux. Pas cette famille-là, en tout cas. Pas étonnant puisque leurs revendications à eux, pour l’attribution des Jeux, c’est la certitude d’obtenir un logement offrant une superficie supérieure à celle d’une principauté européenne, chacun. L’esprit olympique, le vrai.

La cérémonie d’ouverture

Moment fort parmi les moments forts de chaque quinzaine olympique, la cérémonie d’ouverture a eu lieu, cette année, pour la première fois de l’histoire olympique moderne, hors d’un stade.

Paris, c’est la Seine et la Seine c’est Paris. Paris 2024 a offert un spectacle son et lumière sur la scène, promenant les 10’500 athlètes et officiels sur des bateaux le long des quais, sur 6 km pour un grand final au Trocadéro. Que ce fut beau !

Quelques jours avant la cérémonie, préavis de grève de certains danseurs. Il fallait s’y attendre. Non pas parce que la grève est une des grandes traditions bleu-blanc-rouge, mais parce l’esprit olympique, c’est aussi tout l’argent pour les uns et les miettes, au mieux, pour les autres. Ainsi, le syndicat des artistes-interprètes avait dénoncé de « criantes inégalités de traitement » entre les danseurs recrutés pour la cérémonie. Selon lui, 250 à 300 d’entre eux, intermittents du spectacle, avaient été embauchés à des conditions « honteuses », sans défraiement de logement ni de transport et avec des droits voisins d’un montant de 60 euros, contre 1 610 euros pour des danseurs salariés au sein de différents ballets.

Le préavis a été finalement levé, un accord trouvé. Mais en définitive, ils sont petits joueurs ces organisateurs : laisser faire grève et dire aux touristes que ça fait partie de l’expérience, ça, ça aurait été à la hauteur de la réputation française, non ?

Les premières compétitions

Vous le savez, impossible d’organiser certaines compétitions entre la cérémonie d’ouverture et de clôture, temps de récupération entre les épreuves oblige. Ainsi, par exemple, le tournoi de football débute à J-3.

Je passerai rapidement sur l’Argentine-Maroc d’ouverture dont l’arbitre avait décidé d’un temps additionnel « jusqu’à ce que l’Argentine – favorite du tournoi – égalise » qui, finalement s’est vu désavoué par l’ubuesque VAR trouvant, quelque part dans l’action, une irrégularité au règlement, signalée après le coup de sifflet final, annulant post-fin de match le but argentin et redonnant la victoire au Maroc (2-1). Les Argentins crient au vol, en France, pour la deuxième fois en deux jours. En effet, le mardi précédent le match, leur vestiaire avait été visité et des objets dérobés pendant leur entraînement du soir. Bigre, c’est si sûr, la France en période spéciale ! La France et l’Argentine, c’est à nouveau une ode à l’amour, ce doux chant qu’on aime entonner tous ensemble, le cœur serré, louant les « spécificités » de l’autre tant aimé. Enzo Fernandez, figure de proue du mouvement, ne me contredira pas.

Mais rions encore plus fort. Plusieurs milliers de spectateurs ont rencontré mercredi des difficultés pour entrer au Parc des Princes pour le match Ouzbékistan-Espagne (1-2). Bon nombre d’entre eux n’ont d’ailleurs pas vu la moitié de la première mi-temps. Le comité organisateur évoque des « adaptations du dispositif de sécurité ». C’est clair que le délai entre la finale de la Champions League du Stade de France du 28 mai 2022 et ce match olympique du 24 juillet 2024 n’était pas suffisant pour « adapter le service de sécurité ». Il se murmure que Gérald Darmanin aurait déclaré que ce serait de la faute de 40 000 supporters de Liverpool qui n’avaient pas de billets, alors que Blanquer pencherait pour une attaque informatique russe et que Macron, de son côté, pérorerait que tout s’est bien passé et qu’il n’y a eu aucun problème.

Winston Churchill disait que « le succès, c’est d’aller d’échec en échec, sans jamais perdre son enthousiasme ». Ces Jeux Olympiques sont décidément bien placés sur la route sinueuse du succès.

Mais aussi

J’avais noté également le dépassement de la promesse initiale de budget, la déclaration de Macron d’accueillir à bras ouvert « comme un chef d’Etat » Benyamin Netanyahou s’il devait venir, les prix dans les bistrots (le Coca passant de €4.00 à €14.50), les grillages faisant de Paris un camp à ciel ouvert, les éboueurs de Paris qui ne peuvent faire leur travail car ils n’ont pas le bon QR code pour accéder aux tas d’immondices, la venue de Céline Dion on ne sait pas pourquoi (peut-être pour être nommée Première Ministre), le milliard balancé dans la Seine pour la tamiser alors qu’il aurait suffi d’y faire pisser deux-trois fois le peloton du Tour de France (et qu’en plus, on aurait eu des brochets de 50 kg en suffisance pour nourrir tout le village olympique), des invités à la cérémonie d’ouverture qui ne pourront y prendre place « à cause d’un bug informatique », rendant leurs billets invalides, les tatamis de judo de trop mauvaises qualités et pas au niveau demandé par la fédération. J’avais noté… Puis je me suis souvenu de Coluche qui disait « La France va mieux. Pas mieux que l’année dernière mais mieux que l’année prochaine ». Alors je m’arrête là, pensant sincèrement que tout ceci n’est qu’un énorme canular pour le compte d’une émission de caméra cachée.

Les meilleurs Jeux Olympiques jusqu’ici

Ces Jeux Olympiques sont déjà fabuleux. De mon côté, j’ai besoin d’un jour entre chaque jour pour me remettre du jour d’avant et me préparer pour le jour d’après. Si je dois accorder un truc aux organisateurs de Paris 2024, c’est que plus je vois des vidéos de leurs interventions, plus je suis indulgent avec mon syndrome de l’imposteur.

« Les meilleurs Jeux Olympiques jusqu’ici », déclarera Thomas Bach d’ici deux semaines, intérieurement fébrile, se félicitant d’avoir attribué ceux de 2030, à nouveau à la France, sous condition.

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