En avril, les matches s’empilent

Et certains ne tiennent qu'à un fil

Qu’est-ce qui peut bien avoir eu lieu du 13 au 27 avril ? Le championnat du monde de hockey féminin à Utica ? La finale des playoffs de basket masculin ? Le Tiriac Open de Bucarest ? Le Tour de Romandie ? La Fête de la Tulipe morgienne ? La relocalisation des Arizona Coyotes en Utah ? En ce qui concerne la rédac’ de CR, il s’agissait d’un Tour Non Exhaustif Des Matches De Foot Féminin Ayant Lieu Hors d’Union Européenne – TNEDMDFFALHUE ! – Excusez-nous, on éternue encore souvent à cause du pollen à cette période. Bienvenue sur notre porte-bagage, on vous emmène de la Praille à Stamford Bridge en passant par le Letzigrund, étape par étape.

Samedi 13 avril

Renens – Lancy-Pont-Rouge (14h27-15h17)

Le Genève-Londres n’existe pas encore. Vous nous pardonnerez donc, on fait ce qu’on peut en termes de mobilité douce, un (tout petit) pas après l’autre. Après avoir vécu l’enfer de la guerre des tranchées virtuelles pour (miraculeusement) obtenir un précieux exorbitant sésame pour la première finale de l’histoire du LHC, on passe sans transition et en un peu plus de 24 heures à un club qui s’enorgueillit d’avoir écoulé 1600 billets gratuits en 5 jours. Autant vous dire que les 72 km reliant l’Ouest de la Capitale de l’Univers à la banlieue d’Annecy n’étaient pas de trop pour se mouiller la nuque avant de se confronter à un état d’esprit somme toute extrêmement rafraîchissant (et un constat carrément triste en ce qui concerne l’engouement pour le foot féminin en Romandie, voire même le foot tout court à Genève au vu des résultats récents de leurs escouades et de la météo idéale). Et surtout on a fait bien attention de prendre une confortable avance, 5,33% de remplissage d’un stade de 30’000 places, c’est quand même pas rien et on n’est jamais trop prudent. Chemin faisant, on se dit que c’est quand même un peu bizarre voire un tantinet déstabilisant de voyager en direction d’un stade de football genevois dans un wagon non dévasté.

Y’en a quand même 2-3 qui ont eu la flemme…

Lancy-Pont-Rouge – Stade de Genève (15h17-15h31)

On vous a dit qu’on y allait tranquille. On couvre donc à pied les derniers hectomètres qui nous séparent du Stade de Genève, enceinte qui daigne accueillir le Servette FC Chênois Féminin (SFCCF, c’est pas incroyable au niveau mnémotechnique) pour la première fois depuis… trois ans. On ne parle que d’une formation qui est assurée de remporter la saison régulière de Women’s Super League et s’apprête à disputer la finale de la Coupe de Suisse le week-end suivant après tout. Aucune raison de leur prêter un écrin digne de ce nom hors années bissextiles. Monica Mendes et ses coéquipières accueillent le FC Zürich Frauen, leur dauphin, qui ricane déjà à l’idée de leur chaparder le titre sur un malentendu en finale des playoffs pour la troisième fois de suite dans quelques semaines.

Répétition générale de la finale susmentionnée… et monstre spoiler. Du coup le reste de l’article n’a plus aucun intérêt.

Tribune Est, Secteur O, Rang 31 – Tribune Est, Secteur O, Rang 11 (17h00-18h50)

Une seule tribune est ouverte à l’Est, faire face aux caméras de la RTS oblige. Impossible de rester assis aux 15 premiers rangs en début de match sans risquer la combustion spontanée. Du coup quand 5% de la capacité d’un stade s’entasse dans les 25% de celui-ci (à mauvaise vue de nez) qui sont à l’ombre, on a tout de suite presque l’impression qu’il y a du monde. Zurich domine vaguement même s’il ne se passe pas grand chose jusqu’à la 29ème minute et l’ouverture du score de l’Autrichienne Viktoria Pinther, bien esseulée dans les 16 mètres servettiens pour reprendre tranquillement un coup franc de volée. Si on n’avait pas insisté pour jouer la carte de la discrétion en terres ennemies, on aurait probablement hurlé “TCHEU C’TE PINTHER !”.

Les joueuses, elles, n’ont pas eu le loisir de choisir leur position en fonction de l’inclinaison du soleil.

À la 42ème minute, on constate que même dans ce genre de contexte détendu certains ne sont pas capables d’attendre la mi-temps pour se ruer à la buvette, histoire d’éviter ne serait-ce que 15 secondes d’attente. À ce stade ça doit être un réflexe pavlovien.

Lautaro et Ronaldinho ont quant à eux choisi la violence en même temps que leur maillot ce matin.

Quelques muffins de soutien aux juniors du club plus tard, la deuxième mi-temps commence et on réalise qu’il n’y a plus d’endroit décent où s’asseoir qui soit dépourvu du supplément soleil en pleine poire. On descend donc de 20 rangs pour mieux voir. Et on fait bien: à la 50ème minute, l’internationale marocaine Imane Saoud, seule à 10 mètres du but adverse, vient s’empaler sur la carosserie de la portière Noemi Benz (il faut vraiment qu’on arrête de faire cette vanne). Six minutes plus tard, la même Saoud, pourtant sobre, réalise l’exploit d’ajuster le haut de l’équerre seule dans les 5 mètres, devant le but vide. Une défaite sur le fil face à la Zambie (2-1, 0-2) en barrage de qualification pour les JO, ça laisse apparemment des traces au niveau de la confiance.

« Non mais on vous laisse régler ça entre vous, les filles, il fait meilleur de ce côté. »

Acculé, le FCZ décide alors d’aller planter le deuxième à la stupeur générale (60ème). Rien d’étonnant à ce que Seraina Piubel se fasse l’autrice d’un garbage goal nous direz-vous. Comme quoi, malgré un peu de déchet, tout n’était pas à jeter. Douze minutes et un corner plus tard, c’est 3-0 pour les visiteuses par l’intermédiaire de Naomi Mégroz, tellement heureuse qu’elle se… blesse sur sa célébration. On espère que ce n’est pas trop grave, sinon le record de Santiago Cañizares en la matière pourra trembler.

Voilà ce qui arrive quand on débarque avec ses gros Szabo sur une cheville adverse.

Bref, on n’a pas repéré Hirslanden parmi les sponsors au bord du terrain, mais on vous aurait bien dit que Julia Stierli et Cie étaient cliniques en ce début de soirée si Pinther n’avait pas mal ajusté son coup de patte de la 87ème minute, histoire d’apposer sa griffe sur un 4-0 qui semblait pourtant tout cuit.

Stade de Genève – Lancy-Pont-Rouge – Renens (19h01-20h31)

Un voyage sans histoires tant qu’on ne se goure pas de direction. Dans ce cas-là, on pourrait rencontrer des Gaulois en chemin.

Quand deux cars d’ultras se rencontrent sur une aire d’autoroute…

Samedi 20 avril

Lausanne – Zurich HB – Letzigrund (9h18-14h48)

On nous a dit de condenser un peu les voyages, certains lecteurs sont proches de l’AVC. Prendre des billets pour la finale de la Coupe de Suisse entre le SFCCF et les Young Boys Frauen (il faut vraiment qu’on arrête de ricaner à chaque fois qu’on lit ce nom extraordinaire) au Letzigrund un samedi d’Acte III entre les ZSC Lions et le LHC, il faut le faire. Vous nous accorderez que le 22 mars, au moment d’acheter nos sésames, il était difficile d’imaginer un tel scénario alors que les hommes de Geoff « Academy » Ward menaient péniblement 2-1 face à Davos dans leur série de quart de finale. Le hasard absolu faisant tout de même bien les choses, il se trouve que le match qui nous occupe dans cet article a lieu à 15h00 à 16 minutes en tram de la Swiss Life Arena, théâtre de l’affrontement hockeyistique de 20h00. Si en plus il est possible de dénicher un hôtel exactement entre les deux stades, on ne voit pas de quoi on se plaint. Bref, ça valait la peine de reprendre le train.

En plus de la météo dégueulasse, les obstacles sont nombreux sur le chemin qui mène au stade.

Letzigrund – Swiss Life Arena (14h48-17h21)

On commence à être des habitués de ce stade et sa saloperie de piste d’athlétisme (mais qu’on trouve quand même magnifique au demeurant) après la finale de l’an dernier et le début des éliminatoires pour l’Euro 2025. Et on remarque qu’il va falloir se renouveler un peu au niveau de la titraille quand on écrit depuis l’antre du FCZ.

Vivifiant ce début de printemps !

L’attribut le plus utile de cette enceinte ouverte aux quatre vents (et à la grêle) sera finalement son toit en cet après-midi de janvril (à moins qu’il ne s’agisse d’avrier). On arrive un peu à la bourre, juste le temps de participer à un concours de tirs à l’extérieur et d’y remporter… d’y remporter… allez, vu la météo, on vous le donne en mille:

Des lunettes anti-brouillard a priori.

Les buts tombent eux aussi comme des grêlons. On imagine que sur la patinoire qu’est devenue l’ex-pelouse du Letzigrund, il est préférable de lancer de longs ballons vers l’avant plutôt que d’improviser un tiki-taka. D’autant que le cuir susmentionné s’arrête net dès qu’il touche le sol. Nul besoin de doser quoi que ce soit dès lors, on peut se contenter de fermer les yeux et balancer. Et ça marche, puisqu’après 11 minutes Servette mène déjà 2-1, avant de se faire rejoindre juste avant la mi-temps. Dans ce contexte glaçant, il est assez peu étonnant que les deux Genevoises les plus remuantes s’avèrent être Therese Simonsson et Cassandra Korhonen, Suédoises de leur état. On l’aime bien Korhonen, et pas seulement parce que son patronyme est typiquement… finlandais (le deuxième plus fréquent là-bas avec 23’572 occurrences recensées) et veut dire « petit sourd » en finnois. De là à dire qu’elle ne l’entendait pas de cette oreille lorsqu’YB a annoncé son ambition de reprendre la tête du classement des victoires en Coupe qu’il partage avec le FCZ (15), il n’y a qu’un pas (de patineur)…

La Zamboni est en panne, mais il faut bien refaire la glace à la mi-temps.

La mi-temps, parlons-en. Figurez-vous que Dominique Blanc (comme neige ?) en a passé une bonne partie à répondre aux questions de la RTS juste devant nous. On nous souffle qu’il aurait ardemment défendu l’horaire et le lieu de cette finale (forcément, YB-Servette à Zurich trois heures avant un match du SFC masculin à… Genève, ça ne pose aucun problème) et dit qu’« il y a un soutien et un engouement dans toute la Suisse » pour l’Euro 2025. Voilà, voilà. La déconnexion qui existe entre le sommet de la pyramide et sa base dans tous les jobs de l’univers n’est plus à démontrer, mais c’est vrai qu’il est toujours amusant d’y ajouter l’un ou l’autre exemple édifiant de temps à autre.

Le match touche à sa fin. Ça tombe bien, le terrain est enfin praticable ! Sans vouloir jouer les Cassandra, on avait décidé de jouer avec le… feu en maintenant la finale dans de telles conditions.

Bref, le jeu a repris. On se réchauffe comme on peut dans les tribunes, comme ce couple suisse-allemand vêtu de t-shirts fourmillant de slogans à la gloire des Grenat (et à la syntaxe française incertaine) qui hurle « COME OOOOOOOOOOOOON SERVETTE ! » à intervalles réguliers. A la 65ème minute, Simonsson est remplacée par la Lituanienne Rimantė Jonušaitė, prêtée par l’AC Milan. Trois minute plus tard, la numéro 20, bien servie par la capitaine Mendes (qui a fait un match de mammouth des glaces, pour utiliser une expression adaptée à la météo), marque le game-winning goal. Imke Wübbenhost, coach allemande et bernoise d’adoption, essaie bien de changer quelque chose (et on ne parle pas de sa gestuelle digitale en direction de l’arbitre ni de ses postillons d’après-match) en introduisant Carp (pour réduire la défense servettienne au silence) et Messerli (très affûtée), mais rien n’y fait. On se demande quand même ce qui serait advenu d’Adrian Lüdi, entraîneur des gardiennes d’YB, si personne n’avait retenu Mickaëla Bottega après qu’il s’en soit… qu’il s’en est… enfin après son intervention pour physiquement reconduire au banc sa coéquipière Paula Serrano (première buteuse à la 3ème minute) qui sortait un chouïa lentement (on la comprend, le terrain était pour le moins glissant). Fun times.

Deux salles, deux ambiances.

On ne voudrait pas que nos nombreux lecteurs pensent que les Jaune et Noir ne se sont rendues coupables que de mauvais gestes en ce samedi après-midi dans le cercle polaire. On mentionnera donc la Valaisanne Naomi Luyet, 18 ans, autrice d’un doublé (1-1 et 2-2, 6ème et 40ème), et surtout ayant mis la phonétique française hésitante du speaker à rude épreuve avec son nom de famille.

A peine le temps d’assister à la remise du trophée qu’on file se réchauffer les extrémités dans la Swiss Life Arena voisine. Oui, dans une patinoire, pourquoi ?

Samedi 27 avril

Alors vous allez rire… mais le trajet Renens-Stamford Bridge via Lausanne, Paris et Southfields n’a jamais eu lieu. La faute au Lausanne Hockey Club qui a eu l’outrecuidance de non seulement se qualifier pour la finale de National League, mais en plus d’amener son adversaire prétendument invincible jusqu’à un Acte VI à la Vaudoise aréna. Impossible dès lors pour un fan aussi absolu que votre serviteur de ne pas annuler son voyage à grands frais (plus de détails sur cette sale affaire ici). Pas de panique toutefois: le récit de la demi-finale retour de Women’s Champions League Chelsea-Barcelone existe tout de même puisqu’on avait assisté à exactement la même affiche au même stade de la compétition et au même endroit l’année dernière et on n’avait pu résister à vous conter les péripéties du voyage. Il vous suffit donc de (re)lire cet article en guise de conclusion.

Ça nous fend quand même un peu le coeur de n’avoir pas participé à la fête avec les 39’397 autres détenteurs de billets. Oui, le Bridge était sold out samedi soir !

On a quand même récupéré une bonne partie du prix de notre TGV et même réussi à trouver preneur pour notre billet de match. On range par contre soigneusement la facture de l’Eurostar dans notre classeur pertes et profits (enfin surtout pertes). Qu’à cela ne tienne. Au vu des résultats et de la météo (encore elle) en ce samedi soir respectivement au Chemin du Viaduc et à Fulham Road, on n’est pas loin de penser que c’était la meilleure décision de notre vie. Mais ne nous croyez pas sur parole, jugez par vous-mêmes:

A propos Raphaël Iberg 187 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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