Une histoire d’Hamm et de Chinois

Oui la gymnastique est un sport olympique pour celles et ceux qui l’auraient oublié. D’ailleurs beaucoup se demandent toujours si la gymnastique est véritablement un sport ou juste deux périodes obligatoires (et plus ou moins pénibles pour certains) hebdomadaires durant notre douce scolarité.

Un bref historique s’impose donc. Le terme «gymnastique» reste un peu vague et assez large. On peut facilement tout y inclure. D’ailleurs, en Suisse on y a quasiment tout fourré au niveau de la fédération : jeux nationaux (lancer et jeter de la pierre, lutte…), de l’athlétisme, balle à la corbeille (une spécialité tout à fait suisse alémanique), aérobic, etc… C’est donc sans trop de peine que la fédération suisse de gymnastique (FSG) compte le plus grand nombre d’adhérents (400’000 membres).Mais revenons à nos Jeux Olympiques. La gymnastique a toujours fait partie des JO modernes, réhabilités en 1896 par Pierre de Coubertin, ce qui en fait l’un des plus vieux sports. Et même bien avant les Jeux modernes, la gymnastique était une activité très pratiquée en Grèce. Certes, les disciplines ne ressemblaient pas tout à fait à celles d’aujourd’hui : course de char, pancrace (sport de combat grec), course en arme (avec casque et bouclier !). Aujourd’hui la gymnastique aux Jeux Olympiques est divisée en 4 subdivisions : gymnastique artistique féminine, gymnastique artistique masculine, gymnastique rythmique (anciennement gymnastique rythmique sportive) et trampoline.

Nous nous intéresserons à la gymnastique artistique féminine et masculine, car pour les autres je ne suis pas tout à fait à jour… Les gymnastes effectuent des exercices sur différents engins ou appareils. Les garçons pratiquent 6 engins (sol – cheval d’arçon – anneaux – saut de cheval – barres parallèles – barre fixe) alors que les filles en pratiquent 4 (saut de cheval – barres asymétriques – poutre – sol).
Finalement c’est un peu comme en tennis : les garçons en 3 sets gagnants et les filles en 2… Ils doivent effectuer un enchaînement de parties gymniques ayant chacune une difficulté répertoriée dans le Code de Pointage (sorte de bible) qui règlemente ce sport. Un collège composé de 6 juges apprécie et note les prestations de chaque concurrent. Le jury est divisé en 2 parties : une apprécie la valeur technique de l’exercice alors que l’autre taxe et note l’exécution. Au final, on additionne la note technique à la note d’exécution tout en retirant les points de pénalité, puis on multiplie par le nombre de gymnastes chinois de moins de 16 ans, et pour finir on divise tout ça par l’âge du capitaine et on obtient la note finale. Tout ça pour dire que l’échelle des notes n’est plus sur 10 (depuis 2006), mais va au-delà.
Durant les Jeux on distingue 3 compétitions distinctes : le concours complet individuel et par équipe et le concours par engin. Les gymnastes ont pu se qualifier pour ces JO soit pour le concours complet par équipe, soit pour le concours complet individuel ou encore pour le concours par engin. Un gymnaste peut donc prendre part aux 3 compétitions, mais ne pas le confondre avec un triathlète qui n’a rien à voir avec le gymnaste…

On commence donc par un tour de qualification auquel tous les gymnastes prennent part. Du classement de ce premier concours en ressortent : les 8 meilleures équipes composées de 6 gymnastes chacune, les 24 meilleurs gymnastes pour le concours complet individuel (total de tous les engins) ainsi que les 8 meilleurs spécialistes de chaque appareil.

Yankee contre l’Empire du Milieu

Gary Lineker disait : «Le football se joue à onze et à la fin c’est l’Allemagne qui gagne». Aujourd’hui, on peut résumer la gymnastique mondiale par : «Les gymnastes chinois ont tous plus de 16 ans et à la fin c’est la Chine qui gagne». Depuis la fin du règne de Leonid Arkaev (entraîneur des filles, des garçons et président de la fédération…) et son équipe de buveurs de vodka aux JO d’Athènes en 2004, les Chinois raflent tout. Les derniers résultats et la logique implacable des Jeux en Chine prédisaient donc une certaine suprématie des Chinois dans cette discipline (et les autres par la même occasion).
Mais il ne faut tout de même pas oublier nos amis du pays de l’Oncle Sam qui se doivent de confirmer les excellentes performances des derniers JO à Athènes avec 10 médailles dont 2 en or, hommes et femmes confondus. Mais c’est sans compter sur une secrète envie des tuniques bleues qui rêvent de mettre une piquette aux mangeurs de rouleaux de printemps sur leur propre territoire durant leurs Jeux Olympiques.

Vous reprendriez bien un peu de double Hamm…burger ?

Grand vainqueur à Athènes, Paul Hamm avait survolé les compétitions en 2004. Vainqueur du concours complet individuel, Paul s’adjuge par la même occasion l’argent avec l’équipe des Fast Food Réunis ainsi qu’à la barre fixe, et brigue les 7ème, 6ème et 5ème places aux barres parallèles, cheval d’arçon et sol. Il relègue ainsi Terminator et Rambo au rang d’enfants de cœur jouant à Barbie et Ken. Autre particularité de Paul, c’est qu’il a un frère jumeau Morgan qui fait lui aussi partie de l’équipe des Amateurs de Chien Chaud. Au palmarès moins impressionnant que son frangin, Morgan s’offre tout de même une 4ème place à la barre fixe et une 8ème su sol.
Au taquet, les Hamm’s Brothers veulent tout péter à Pékin. Digne d’un scénario sorti des studios hollywoodiens ou d’un épisode de Top Model, tout ne se passe pas comme prévu. En 2005, Paul se retire de la scène gymnique pour terminer ses études, mais 2 ans plus tard il revient. Durant la période de qualification pour les Jeux, il se blesse à l’annulaire (c’est con quand même…), ne peut pas participer aux championnats Yankee et donc ne peut pas être qualifié pour Pékin. Mais après avoir fait un caca nerveux à la fédération en leur expliquant que c’est-qui-qui-a-des-médailles-d’or-et-c’est-qui-le-patron, Paul est comme par miracle du voyage (là, dans la salle, tout le monde applaudit et les femmes pleurent – happy end). Lors du 2ème épisode, Paul connaît quelques problèmes physiques lors d’un stage d’entraînement. Verdict : Paul se désiste et ne défendra pas son titre aux JO (là par contre tout le monde pleure, car les Américains n’aiment pas les fins de film tristes).


Paul Hamm

Mais une autre histoire peu glorieuse entache le médaillé d’Athènes. Paul n’aurait normalement pas dû gagner le concours général. La médaille d’or aurait dû revenir au Coréen Tae Young Yang suite à une erreur du jury qui le ristourne d’un dixième de point aux barres parallèles et le fait donc passer au 3ème rang du classement général. Suite à cette bévue, 3 juges sont suspendus, dont un Américain qui habite à quelques kilomètres de chez Paul (tiens… bizarre…). Les Coréens font un foin pas possible, mais le règlement c’est le règlement et on ne peut pas changer une note après coup. Même un petit tour par le TAS (Tribunal Arbitral du Sport) n’y fera rien. Bien qu’officiellement on demande à Paul de rendre sa médaille, rien n’y fait «This is mine !». La grande classe, quoi !
Quant au frèro, Morgan, ce n’est guère mieux. Au mois de mai, il est contrôlé positif à un corticoïde, puis repêché par la fédération après avoir reçu un avertissement. Le 7 août (un jour avant la cérémonie d’ouverture) il déclare forfait suite à un problème à la cheville.
Les vagues-à-l’Hamm resteront dans l’histoire d’une part pour avoir été les premiers jumeaux à disputer les mêmes JO (Sydney 2000), mais aussi pour leur histoire familio-sportivo-glauque.

Good Keas(lin) from Beijing

Côté suisse, une (toute) petite délégation a été retenue pour Pékin. Aussi bien chez les filles que chez les garçons, les Suisses ont été incapables de se qualifier par équipe. C’est donc une délégation au nombre insurmontable de 3 gymnastes qui s’envole avec à son bord Ariella Kaeslin et Claudio Cappeli tous les 2 qualifiés pour le concours général, ainsi que le «vété» Christoph Schärer qui concourt uniquement à la barre fixe, son engin de prédilection.
Lors du tour de qualification Ariella réalise, à la surprise de tous, le doublé, soit un ticket pour la finale du concours général, ainsi qu’un autre pour la finale au saut de cheval. Elle a même l’outrecuidance de prétendre à un podium au saut en présentant un élément que seules 4 gymnastes au monde sont capables de réaliser : le Chusovitina (je vous pardonne pour la prononciation).


Ariella Kaeslin

Côté mec c’est pas «gégé». Claudio a fait trois grosses erreurs lors du concours complet et fini à la 35ème place. Quant au vétéran suisse, il rate la finale à la barre fixe pour un 10ème de point et se classe au 14ème rang de la discipline. Mais pourquoi a-t-on envoyé aux Jeux Christoph qui montrait déjà quelques signes de faiblesse par rapport aux autres gymnastes au mois de mai dernier lors des championnats d’Europe à Lausanne ? Il avait avoué avoir tout donné et ne pouvoir faire mieux en finissant à la 8ème et dernière place de la finale à plus d’un point du 3ème. Serait-ce une haie d’honneur pour ce gymnaste suisse qui aura marqué de ses maniques (les aficionados me comprendront) la gymnastique artistique suisse ainsi que ses fans de la gent féminine ?

On vous avait prévenus… au final c’est la Chine qui gagne

Après avoir bien vérifié que tous les gymnastes chinois avaient bel et bien 16 ans (selon le gouvernement), les hostilités pouvaient commencer. Devant un public en liesse, les Chinoises et Chinois ont montré que c’est-moi-qui-ai-les-clefs-c’est-moi-le-patron ! Donc s’est sans trop de surprise qu’ils se sont adjugés la victoire par équipe autant chez les filles que chez les hommes en écrasant littéralement leurs adversaires. Côté individuel, le Chinois Yang Wei rafle la médaille d’or du concours complet. Bref la mécanique est parfaitement huilée et tout roule comme prévu. Il va sans dire que l’on s’attend à d’autres bons résultats des Chinois aux finales par engin puisqu’ils ont pu qualifier 15 filles et garçons ! Surprise chez les Gaulois, avec Benoit Caranobe qui se classe 3ème au général et remporte le bronze, alors que personne ne l’attendait. Avant les Jeux, les Tricolores tablaient sur un maximum d’une médaille en gymnastique…

La revanche de l’ouest

Les Hamm-ateurs n’étant pas de la partie chez les garçons, la fédération des Fast-Food Réunis ne pouvait compter que sur ses donzelles pour mettre une raclée à leurs rivales asiatiques et sauver un honneur si cher au pays des donuts. C’est donc une double claque que les Yankettes ont mise en s’octroyant l’or et l’argent de la finale du concours complet féminin. Nastia Liukin et Shawn Johnson devancent donc Yang Yilin. Mais dites-moi : «Liukin» ça ne sonne pas trop américain comme nom ? Et en plus ça me dit quelque chose… Ah ben oui, c’est la fifille de son papounet Valeri Liukin, un ancien gymnaste de l’ex-URSS, lui aussi médaillé olympique en 1988 à Seoul.
Pour terminer relevons encore l’affluence du public aux compétitions de gymnastique. A chaque compétition (qualifications comprises) ce n’est pas loin de 18’000 personnes qui sont venus soutenir les gymnastes. N’oublions pas que les gymnastes chinois sont très respectés et élevés quasi au rang de demi-dieu en Chine, notamment grâce à Li-Ning, un des plus grands champions de gymnastique. Après sa retraite sportive Li-Ning a développé sa propre marque de vêtements de sport et a été choisi pour allumer la flamme le 8 août dernier ; souvenez-vous, c’est lui qui courrait dans les airs autour du stade, la torche à la main !

Écrit par Fabian Delmonico

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6 Commentaires

  1. Bel article, en effet, très détaillé, bravo à lauteur.
    Il fait quelques allusions à lage minimal requis des compétitrices, et en regardant, en profane et pendant quelques minutes les compétitions de gym lautre jour, jai été cest vrai très surpris de voir quelques concurrentes (et pas seulement chinoises) qui avaient lair de navoir pas beaucoup plus que 10ans ! Y-a-t-il vraiment un âge limite imposé aux J.O. pour la gym ?

  2. Good ol nice article pal! Indeed, you are really interested and well informed on these Olympic Games! Congartulations!!!!, and thanks for the non-stopping ironical comments on the country where entertainment rules and kicks ass, and doesnt give a damn shit about illegal substances… But it was really funny to read. Thaks mate!

    burp

  3. Je crois que lâge limite pour participer au JO est de 16 ans, toutes épreuves confondues !!!

    Dailleurs on commence à faire des allusions non seulement sur ça, mais aussi sur leurs méthodes de préparation, voir TSR aujourdhui. Tas vu ces deux chinoises de 33 et 39 kg au plongeon, la plus grosses des deux ne mange presque pas, cest triste quand même, cest vraiment pas le même monde, et cest pas pire que le dopage à mon avis. Et en plus question de dopage, pas sur que les chinois soient innocents. Et vu leur insolente domination, ça ne peut que me rappeler ce que mon Père spirituel  » Coluche  » disait, dans un oeuf, ya du jaune et du blanc, mais quand on mélange, ben ya plus que du jaune !!!

  4. La Chine nest pas lEmpire du Soleil Levant, mais lEmpire du Milieu. Le premier empire est le Japon. A ne pas confondre, car ils se détestent impérialement. Dommage que les chaînes de télé ne retransmettent leurs oppositions (football et volley-ball féminin).

    Pour en revenir à la gymnastique artistique, les chinois(es) ont bouffé du lion, mais leurs méthodes dentrainement et de sélection sont à limage de leur développement économique.
    Quimporte les souffrances infligées et les suspicions de contournement des règles, seul lor olympique compte et restera inscrit à long terme dans nos mémoires.

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